· 

La Dernière Prière de Fu Tang - Nouvelle Récit - Jérôme Rochelle

 La dernière prière de Fu Tang 🙏

 

- © Nouvelle écrite d'après un rêve par Jérôme Rochelle le 21 Janvier 2019 enregistrée sous droit d'auteur -

 

L’esprit de Fu Tang refait surface. Il se sent comme pris dans un cocon trop étroit, mal à l’aise, compressé. Ses paupières gelées peinent à s’ouvrir. Mais il ne distingue rien, juste du noir. Il sent le froid qui a envahi tout son corps et qui le fait frissonner. Les minutes passent. Fu Tang revoit des images, fugaces, par flash. Sort-il d’un rêve ? Où est-il ?

 

Un chien aboie et grogne. Il s’affaire avec frénésie autour d’un trou au pied d’un rocher. Un homme gesticule à ses coté en criant en en hurlant. C’est un chasseur. Il essaye de faire sortir un renard de son terrier. Cela fait de longues minutes qu’ils s’affairent pour l’attraper. Au fond de son trou l’animal est terrifié. Son corps n’est qu’une boule de stress où les hormones de la peur coulent à flots. Il tremble de tout son être dans des spasmes incontrôlables. Il ne peut imaginer qu’il va mourir mais il le sait, il est pris au piège. La sentence sera sans faille. Dans un élan d’abandon, le petit renard au pelage roux se recroqueville sur lui-même, plaçant son museau dans le duvet de sa queue puis ferme les yeux. A cet instant même son esprit s’évade vers d’autres lieux.

 

Fu Tang entend des bruits, semblable à des cris et à des aboiements. Dans un effort violent il essaye de bouger sans y parvenir, juste ses lèvres arrivent à s’ouvrir. De sa langue il cherche à comprendre ce qu’il se passe et goûte le froid celui de la neige. Comme elle fond un peu au contact de celle-ci, il réitère l’expérience pour capter quelques gouttes d’eau car la soif lui brûle la gorge. « De la neige ? » Fu Tang comprend alors qu’il est prisonnier d’une épaisse couche de neige. « Oui c’est ça » pense t’il, « une avalanche ? ». Soudain un sentiment de panique s’empare de lui, il ne veut pas mourir, pas comme ça. Il hurle « Nonnnnnnn ! ».

 

A l’affût sur son rocher un magnifique Léopard des neiges surveille les pentes qui lui font face. Dans cette vallée perdue de l’Himalaya il est le roi, mais un roi bien solitaire. Sa survie ne tient qu’à quelques proies difficiles à attraper comme ces Ibex agiles et vifs comme l’éclair. En voie de disparition, son espèce fut chassée pour sa fourrure inestimable jusqu’au dernier par les hommes venus des vallées fertiles du Ganges. Aujourd’hui Taiyang qui signifie « le soleil », est le seul représentant encore vivant. C’est ainsi qu’il le pense, car jamais il n’a croisé un autre Léopard des neiges depuis des lunes. Depuis que ses parents ont été abattus par des chasseurs il est seul. Les hivers sont longs et difficiles, les proies sont rares. C’est sa mère qui lui a donné ce prénom « TaiYang », car son pelage était si clair qu’il brillait sous les rayons du soleil. Quand pendant des heures il attend qu’une proie apparaisse au loin, son esprit se dédouble, il revoit ses parents et sa vie à leurs cotés. Cette grotte perdue aux flancs abrupts de la montagne, la chaleur de sa mère lovée autour de lui et son père imposant un lièvre dans la gueule. Au dehors la neige s’annonce de son voile gris, ils devront rester à l’abri comme tous les autres animaux de ces montagnes jusqu’à ce que la tempête se calme.

 

Fu Tang n’entend plus de bruit, ni les cris, ni les aboiements qui lui paraissaient lointains. Seul le battement sourd de ses tempes lui montre que son cœur s’emballe. Non il ne veut pas mourir. Il ne veut pas mourir aujourd’hui, ni ici sous ce manteau de neige. Il y a quelques instants peut-être, mais le temps n’a plus de sens pour lui, il sentait encore la douce chaleur de sa mère qui le blottissait tendrement contre sa poitrine. La voix forte de son père raisonnait encore en lui, lorsqu’il rentrait de la traite des Yacks le précieux liquide dans des seaux à bout de bras. Mais tout cela était, il y a si longtemps. Il était encore un enfant. Il aimait jouer avec les Yacks lorsqu’ils allaient paître dans les alpages de ces immensités Himalayenne. Il passait des heures à jouer, à courir. Un jour, il se trouva nez à nez avec un renard roux. L’animal le fixa dans les yeux sans être apeuré. Fu Tang était comme hypnotisé. Il tenait dans sa gueule un petit oiseau inerte. L’oiseau était d’une beauté incroyable, les plumes multicolores. Cet oiseau, il avait entendu parler sans jamais l’apercevoir, comme la légende d’un conte Tibétain. Le renard ouvrit la gueule et le déposa sur la pierre plate qui le séparait de l’enfant, puis fit demi tour et s’enfuit. Fu Tang pris l’oiseau dans le creux de ses mains. Il sentit encore la douce chaleur de son corps à travers les plumes. Soudain sans réfléchir il chanta une prière mélodieuse et douce.

 

Prisonnier de son linceul de neige, Fu Tang se mit à entonner un air du fond de sa gorge. C’était un mantra, une prière que lui avait apprit sa mère lorsqu’il était enfant. Elle invoquait la résurrection du soleil. Elle lui avait appris à réciter ces mots en boucle, juste avant le lever du jour, pour que le soleil vienne illuminer cette vallée perdue et qu’elle ne reste pas endormie dans la nuit profonde et la froideur glaciale de ces montagnes. Pour Fu Tang le lever du soleil c’était la chaleur qui irradie la peau, c’était la chance de pouvoir aller courir après les Yacks, de voir revenir son père fatigué mais les bras chargé du précieux lait qui allait les nourrir et de retrouver toute la tendresse de sa mère affairé autour du feu pour le diner. Le jour qui se levait, c’était l’espoir que les choses allaient continuer, que le bonheur innocent de l’enfance n’allait jamais trouver de fin. Dans cette profonde vallée aux montagnes escarpées couvertes de neiges éternelles, les nuits étaient longues et très froides, malgré les couvertures en laine et le foyer dont son père veillait à ce qu’il ne s’éteigne pas durant leur sommeil. Parfois la nuit, Fu Tang gardait les yeux ouverts et à travers les mauvaises jointures de la porte et de l’unique fenêtre, il pouvait apercevoir la puissante lumière au dehors de la pleine Lune.

 

TaiYang le jeune Léopard des neiges se redressa sur ses pattes. Le reflet furtif des cornes d’un Ibex coupant les rayons du soleil avait jailli dans la pupille de ses yeux. Enfin le voilà. Une attente si longue. L’espoir d’un repas réveilla tout ses sens de grand chasseur. Il était le plus grand prédateur de ces montagnes et ce n’était pas une légende. De son regard perçant il observa cet Ibex isolé de son troupeau. Peut-être était-il blessé, malade ou vieux ? Il semblait hésitant dans sa démarche, lent et peu sûr sur ses appuis. L’herbivore s’arrêta au bord d’un précipice puis regarda en arrière. TaiYang observait cette scène étrange. Pourquoi s’arrêtait-il ainsi ? Il allait se mettre en route, de peur de perdre cette proie si difficile à attraper et dont il avait tant besoin pour survivre à la rudesse de cet hiver. L’ibex fit demi-tour comme s’il attendait quelque chose ou quelqu’un. Le regard perdu vers les pentes glissantes couvertes de plaques de neige où se trouvait l’animal, TaiYang vit apparaitre une silhouette familière. Son cœur ne fit qu’un bond. Un autre Léopard des neiges avançait doucement vers sa proie qui semblait résignée à son destin. Mais l’Ibex lui tourna le dos faisant maintenant face au vide. Dans un dernier cri strident, comme un dernier élan de liberté et de bravoure, il se précipita dans le néant.

 

Le renard sursauta, réveillé par le grognement du chien qui se faisait plus proche. Il posa à nouveau son museau dans le duvet de sa queue et referma ses yeux. L’oiseau multicolore apparu alors devant lui. Allongé de tout son long dans cette herbe printanière, il l’observe avec patience. Il le trouve beau mais il a aussi faim. C’est son instinct de chasseur, la survie passe avant tout. Il n’a jamais vu un tel oiseau, lui il préfère les mulots. « Ne me mange pas » lui dit l’oiseau. Si tu me manges je disparaitrai à jamais de cette vallée. Mais le renard avait faim et sauta sur l’oiseau. Aussitôt l’eut-il dans sa gueule qu’il le recracha. L’amertume de son plumage était trop forte. L’oiseau gisait maintenant sur une pierre plate. Le petit renard roux leva le regard et aperçu un enfant qui le dévisageait. Prudemment il recula sur ses pas puis disparu dans les herbes hautes. Le cœur de l’oiseau battait encore et le jeune garçon le pris dans le creux de ses mains et entonna un doux mantra Tibétain.

 

« Soleil, soleil, oh soleil

Réveilles toi, lèves toi

Soleil, soleil, oh soleil,

Réchauffes moi, pardonnes moi

Soleil, soleil, oh soleil

Illumines toi, offres toi

Soleil, soleil, oh soleil

Je t’en supplie, ne me laisses pas

Soleil, soleil, oh soleil

Je t’en supplie, embrasse moi

Soleil, soleil, oh soleil

De tes rayons, dessines le jour

Soleil, soleil, oh soleil

Mon coeur n’attend que toi »

 

Fu Tang se souvient qu’il marche dans la neige profonde. L’hiver vient d’arriver. Il est parti chasser pour nourrir sa famille et ramener aussi quelques fourrures pour les vendre au marché. Cela fait quelques jours qu’il marche seul dans la montagne avec son chien et son yack. Les prises sont maigres, quelques perdrix, deux lièvres blancs et un beau renard roux. Il lui reste à traverser la rivière gelée et il sera bientôt de retour chez lui auprès des siens. Tandis qu’il traverse à flanc de montagne le long d’un immense couloir de neige, Fu Tang entend un grondement sourd. Il lève les yeux et comprend ce qu’il se passe. Une énorme coulée de neige arrive du haut du couloir que le soleil vient de réchauffer. Il presse son yack pour sortir de ce mauvais pas mais la neige trop profonde l’empêche d’accélérer. Soudain le souffle froid envahit l’espace, puis un choc violent l’entraine dans un chaos de neige. L’avalanche s’est arrêtée. Le silence règne à nouveau au pied de la rivière gelée sans signes de vie. Le corps inanimé de son chien git sur la glace. Seule la tête du Yack émerge de la neige qui s’est amassée autour de lui, mais il ne respire plus. Fu Tang lui est ensevelit sous l’épaisse coulée sans connaissance.

 

Le léopard des neiges qui regardait la scène poussa plusieurs puissants miaulements rauques à destination de son congénère. Celui-ci tourna la tête et répondit aussi d’un cri plus aigu. C’était une femelle mais TaiYang ne le savait pas encore. Il bondit vers le précipice d’où s’était jeté l’Ibex pour retrouver le précieux repas qu’il convoitait tant depuis des heures depuis son observatoire. Alors qu’il déchirait de ses canines la viande fraîche et encore tiède, il sentit une présence s’approcher de lui. Leurs regards se croisèrent. Ce moment était incroyable, eux qui pensaient être seul dans cette vallée perdue, ils étaient là face à face. TaiYang effaça ses pas pour laisser la place à la femelle qui se précipita sur la carcasse de l’Ibex. Il la regarda manger puis lui aussi se remis à savourer ce repas providentiel. Ils allaient enfin survivre.

 

Ses lèvres murmurent le mantra du soleil. Il sait que personne ne pourra le sauver et qu’il va mourir ainsi. Cette avalanche sera son linceul. Il ne ressent plus son corps qui gèle. Alors il continue de chanter une dernière fois cette prière que sa mère lui avait appris enfant.

 

« Soleil, soleil, oh soleil

Réveilles toi, lèves toi

Soleil, soleil, oh soleil,

Réchauffes moi, pardonnes moi

Soleil, soleil, oh soleil

Illumines toi, offres toi

Soleil, soleil, oh soleil

Je t’en supplie, ne me laisses pas

Soleil, soleil, oh soleil

Je t’en supplie, embrasse moi

Soleil, soleil, oh soleil

De tes rayons, dessines le jour

Soleil, soleil, oh soleil

Mon coeur n’attend que toi »

 

Au creux de sa main l’oiseau multicolore se met à bouger. Encore hagard il se redresse sur ces pattes tremblantes. L’enfant le pose sur la pierre chaude, où l’avait déposé le renard roux, puis rapproche son visage. L’oiseau tourna sa tête vers Fu Tang et le fixa de ses petits yeux ronds. Il siffla quelques paroles avant de s’envoler.

 

« Merci. Toi aussi tu es libre maintenant »

 

......................................................................................

Une de mes nombreuses nouvelles, car l'écriture est une passion de très longue date et aussi une de mes vraies natures d'esprit. 🙏💗

......................................................................................

 

© Nouvelle écrite par Jérôme Rochelle le 21 Janvier 2019, d'après un rêve. Sous droit d'auteur - Tous droits de reproduction interdits sans accord de l'auteur.

 

Jérôme Rochelle

 

Article sous Copyright ©  Jérôme Rochelle  / Tous droits de reproductions interdits sans l'accord de l'auteur.


- À propos de Jérôme Rochelle -

Amoureux de la nature, ancien grimpeur et alpiniste de haut-niveau, passionné de vol en wingsuit, Ingénieur en physique thermodynamique puis formé à la Médecine Traditionnelle Chinoise, à la Bioénergie et à la Psycho-énergétique quantique.

> Lire la Bio

> Chaine Youtube

Thérapeute énergéticien utilisant autant la tradition ancestrale tibétaine et du chamanisme que la technologie quantique du LVA / Emanoscope et des ondes scalaires, il est spécialisé en mémoires transgénérationnelles et karmiques mais aussi dans le contact aux défunts et le recouvrement d'Âme. Auteur de très nombreux articles de psychologie et conférencier, il anime des ateliers et stages autour de la méditation, de la relaxation profonde, du yoga du rêve et de l'énergétique.